🛠️ Outils de dépistage des violences conjugales : tour d’horizon international et focus sur l’outil DOORS
- Sylsie ALBERTELLI
- 29 avr.
- 3 min de lecture

Pourquoi des outils de dépistage ?
Les violences conjugales, surtout lorsqu’elles sont psychologiques ou économiques, restent souvent invisibles. Parce que les victimes ont du mal à en parler, parce que la société minimise, parce que le cadre légal est encore lacunaire. Les professionnel·le·s du droit, de la santé, du travail social ou de l’éducation jouent donc un rôle central : ils peuvent être les premiers à détecter des signaux faibles, à ouvrir un espace de parole, à enclencher un accompagnement. Mais encore faut-il qu’ils soient outillés.
Ce qui se fait en France pour dépister les violences conjugales
En France, plusieurs dispositifs existent, mais restent encore trop peu connus ou peu harmonisés dans leur usage.
Le Violentomètre
Développé par l’Observatoire des violences faites aux femmes de Seine-Saint-Denis, cet outil simple et visuel permet à chacun·e d’évaluer la nature de sa relation à travers une échelle graduée du vert au rouge. Il est souvent utilisé dans les établissements scolaires, les lieux de santé ou d’accueil.
👉 Un outil puissant pour faire émerger une prise de conscience, mais insuffisant pour évaluer les situations à haut risque.
Le MASIC (Mediation Abuse Screening Instrument Checklist)
Certains médiateurs familiaux formés à la détection de la violence utilisent cet outil, d’origine anglo-saxonne. Le MASIC vise à évaluer l’opportunité d’une médiation en contexte de séparation et détecte les situations de domination, coercition ou peur.
👉 Il reste peu déployé en France, souvent utilisé dans des cadres expérimentaux ou privés.
Une absence de cadre national structuré
Contrairement à d'autres pays, la France ne dispose pas aujourd’hui d’un outil unifié ni d’une obligation légale de dépistage systématique. Le Danger Assessment ou le MARAC, utilisés au Royaume-Uni, au Canada ou en Australie, sont absents du paysage français.
Panorama international
Royaume-Uni : l’outil DASH
Le DASH (Domestic Abuse, Stalking and Honour-based violence checklist) est largement utilisé par la police, les services sociaux et les associations. Il permet d’évaluer le niveau de risque et d’orienter les décisions de protection.
Canada : intégration aux services communautaires
De nombreux refuges et centres d’aide utilisent des outils de dépistage systématiques, en lien avec les ordonnances de protection, les services de santé et les tribunaux.
États-Unis : Danger Assessment
Créé par le Dr Jacquelyn Campbell, cet outil croise plusieurs facteurs de risque (antécédents, menaces, jalousie, possession d’armes…) pour évaluer la probabilité d’un homicide conjugal. Il est accompagné d’un calendrier de violences, retraçant les épisodes de violence vécus.
Australie : DOORS, un outil à suivre de près
Développé dans le cadre du système judiciaire australien, DOORS (Detection of Overall Risk Screen) est un outil structurant, utilisé dans les affaires familiales, notamment en contexte de séparation conflictuelle.
🧩 Il se compose de trois parties :
Auto-questionnaire rempli par les parents séparément.
Évaluation professionnelle des risques pour chaque membre de la famille.
Plan d’action personnalisé pour sécuriser la situation (hébergement, garde, accompagnement, etc.).
🎯 Ce qui fait la force de DOORS :
Il prend en compte les risques pour les femmes, les enfants et les auteurs.
Il est systématiquement utilisé dans les litiges familiaux.
Il articule dépistage, prévention et protection.
Il favorise une culture professionnelle partagée entre justice, santé et social.
Pourquoi s’en inspirer ?
Dans un contexte où les violences se déplacent du couple vers la parentalité post-séparation, il devient essentiel de repérer les mécanismes de domination qui peuvent perdurer, y compris sans violences physiques. DOORS permet cette lecture élargie, intégrée, collective. Il pourrait inspirer le développement d’un outil français plus structuré, adapté à notre culture juridique mais aussi aux réalités des professionnels du terrain.
Conclusion : former, diffuser, harmoniser
Les outils existent. L’enjeu, aujourd’hui, est de les faire connaître, de former les acteurs qui peuvent les utiliser, et de développer un cadre national cohérent. Car dépister, c’est déjà protéger.
🔎 Pour aller plus loin : 👉 Brochure "Conflit de couple ou violence conjugale ?" – RMFVVC (Québec)
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